mercredi 11 août 2010

Ironman Lake Placid 2010

L’Ironman, c’est grandiose, mais ça ne se résume pas à une seule journée. Évidemment toute l’attention est donnée au jour J (au jour I.), mais c’est tout le parcours pour y arriver qui est merveilleux.

Ça faisait un bon 2 ans que j’avais cet objectif dans ma mire.... que je m’y préparais progressivement. Laisser le temps au corps de se construire, et à la tête de se faire à l’idée. Et puis y rêver pendant si longtemps permet d’étirer l’événement, de le savourer plus longtemps, d’en avoir plus pour son argent.

Le dernier mois a été magique. Je l’appréhendais, je pensais que je serais épuisée, irritable, anxieuse, etc. Pas du tout, j’étais constamment à fleur de peau, les larmes me coulaient de bonheur pour tout et rien. J’ai vécu des superbes moments d’entraînement où j’en frissonnais tellement je me sentais privilégiée de pouvoir vivre un si gros et beau trip. Il y a seulement eu deux soirs, après avoir totalement vidé mes réserves dans les entraînements des jours précédents, où devoir mastiquer mon souper me demandait un effort quasi surhumain – je me serais carrément endormie dans mon assiette. Mais c’est tout. Honnêtement, j’ai trouvé la préparation plus facile que j’aurais cru.

Lake Placid est un petit paradis en soi. Ça fait 3 étés que je vais m’y entraîner et je ne m’en lasse jamais. Les paysages sont à couper le souffle. Les Adirondacks, ces majestueuses montagnes qui nous entourent et nous enveloppent. Elles sont notre perpétuel arrière-plan, peu importe dans quelle direction se pose notre regard. Les routes sinueuses qui longent les rivières dans un creux de vallée. L’ambiance de la ville imprégnée de son aura olympique. Et la quantité d’athlètes d’innombrables disciplines qui s’y retrouvent pour pratiquer leur passion. Un vrai régal à chaque expédition.

J’étais très sereine la veille de l’événement. Je me sentais PRÊTE avec un très grand P. C’est difficile à expliquer d’où ça vient, mais il arrive parfois qu’on ressente certaines certitudes au fond de soi (pas si souvent en ce qui me concerne), et là c’était le cas. Mon corps était reposé. J’avais suivi mes entraînements à la lettre et j’ai une confiance inébranlable en Pierre, mon entraîneur. Des fois (souvent), j’ai l’impression qu’il connaît mon corps mieux que moi. Ma progression est incroyable grâce à lui depuis 5 ans. Et il a toujours su me faire peaker exactement au bon moment. Je savais que je n’avais qu’à suivre son menu et l’affaire serait ketchup. Mon mental aussi était très solide, grâce entre-autre à une contre performance du début juin sur un demi-ironman où j’ai vu que la forme physique c’est une chose, mais l’attitude qu’on a durant l’événement joue pour au-delà de 50% sur la performance. J’ai réalisé que l’ironman serait un long chemin de croix si je partais avec le cerveau en jello. Je me suis beaucoup parlé, pour tenter entre autre de retrouver ce qui, à la base me poussait à aller faire des folies du genre. J’ai trouvé quelques pistes, et tout s’est mis à bien aller à partir de ce moment.

J’ai pris le départ en étant aussi excitée qu’une enfant qui s’en va passer une journée à la Ronde. Je savais que je vivrais tout plein de sensations (j’aime beaucoup les sensations fortes…. C’est d’ailleurs l’une des pistes que j’ai trouvé durant mon travail mental), que la journée serait riche en émotion. Je savais que j’aurais mal et j’étais prête à affronter cette douleur. Je m’étais quand même octroyé quelques alliés pour réduire cette souffrance : je m’étais pré-emballé des petits sachets de 2 advils que j’avais pris soin de dissimuler dans une pochette de mon vélo. J’en avais mis d’autres dans la petite poche de mes shorts de course. 2 advils aux 4h… c’est peut-être de la triche, mais si ça peut contribuer à un confort relatif, ça ne me gêne pas trop. Mon allié mental pour vaincre la souffrance et l’écoeurement était mon expérience au marathon canadien de ski en 2009 où je n’avais jamais été si loin dans l’épuisement physique et psychologique après avoir skié 80km en 11h avec une bronchite. De cette fois-là, je me souvenais que même quand il ne reste pu de gaz, il en reste encore.

Dimanche matin, on arrive tôt sur le site (5h), mais tout va relativement vite… le temps d’ajuster les derniers réglages du vélo et des sacs, se faire marquer, et tout le tralala. Je croise Simon (mon ex), qui sort de nulle part. Il vient vers nous. Lui et mon nouvel amoureux se saluent, puis il m’embrasse et me dit que j’aurai une bonne journée. Petit malaise, mais en même temps j’étais contente de le voir. Je trouvais que c’était un beau symbole de démarrer cette journée en saluant celui qui m’a tant inspiré et donné le goût de prendre part à cette grande épreuve.

L’ambiance est vraiment agréable, tout le monde est de bonne humeur, ça fait des jokes, on est tous heureux d’être là.

15 minutes avant le départ, je fais un gros câlin à mon amoureux, on a les yeux plein d’eau. J’embrasse mon père et sa blonde, Geneviève et ses parents. Je leur souhaite une belle journée. Je sais qu’ils s’amuseront de leur côté aussi si je me fie à mon expérience des années passées. Je les quitte en leur demandant une seule faveur : j’aimerais qu’ils s’inventent une petite chorégraphie pour quand je passerai en course à pied. Je sais à quel point rire soulage de la douleur quand on est à bout. Et ils ont toute la journée pour y penser.

C’est enfin le moment, MON moment. Je m’achemine vers l’arche de départ en terminant de mettre mon wetsuit. Je croise JP et Éric, mes colocs à la résidence où nous logeons durant la fin de semaine. On a tous le sourire fendu jusqu’aux oreilles. On se souhaite bonne chance et on entre dans le lac. Et là… là c’est certainement le moment le plus intense de toute ma journée… l’instant que j’attendais depuis si longtemps. L’électricité est palpable dans l’air, c’est incroyable. 2600 athlètes fébriles sur le point de partir + au moins 10 000 spectateurs tout aussi excités autour du lac. Je me tourne pour les voir. J’ai l’impression d’être sur le stage d’un gros show Rock. Je n’ai jamais rien ressenti d’aussi fort. Je comprends les artistes qui deviennent drogués de la scène… Et je me mets à sangloter de joie.

Pour le départ, j’ai décidé de me placer pas mal au milieu des nageurs, je sais que ça va brasser, mais comme je me sens assez calme, je sais que je suis dans de bonnes dispositions pour dealer avec ça. J’ai les pieds dans le vide et je patauge doucement entre les gars (pas beaucoup de filles… 24% au total, et elles sont peu à s’être placées dans la cage au lion comme je l’ai fait…. J’étais peut-être un peu inconsciente de faire ça, mais bof!). L’hymne national…toujours émouvant même quand on n’est pas patriotique pour un sous. L’animateur qui nous demande si on est prêt… on crie fort… une autre larme. Il nous scande un « LET’S ROCK AND ROLL BABY» puis j’entends le PWOUEEEEEEETTTT du départ. Ça y est, on y va!

Le premier km est carrément de la gestion de trafic. Un Métropolitain à 50 voies de large en pleine heure de pointe. On peut pas vraiment « nager » parce qu’il y a du monde partout autour, mais ça crée un espèce de courant tout ce beau monde-là et on a qu’à suivre en essayant de pas avaler trop d’eau. C’est certain qu’on s’accroche les uns, les autres, ça peut pas faire autrement, mais ça reste courtois, personne aime ça le ring de boxe alors la plupart fait attention.

Le lac devient vite un immense rectangle autour duquel on évolue. On doit faire 2 tours. Déjà après le premier tour j’ai plus d’espace pour nager et, sur les conseils d’un triathlète que je connais, je vais parfois nager à l’intérieur du circuit pour être moins dans le « tas de monde ». C’est permis, en autant qu’on contourne les bouées du bout du lac par l’extérieur. L’ennui c’est qu’on n’a pu l’avantage d’être tracté par le courant créé par les autres nageurs. Alors je me promène de l’un à l’autre. Quand je suis tannée de recevoir des coups, je vais à l’intérieur du circuit, quand je suis tannée de forcer je retourne dans le monde et je trippe parce que le fameux courant donne vraiment l’impression de surfer. À un certain moment, juste comme je me tourne la tête vers la droite pour respirer, à cet instant précis, la personne à côté de moi respire sur sa gauche, et comme on est exactement à la même hauteur, on passe à 1 cm de s’embrasser. J’ai éclaté de rire, je trouvais ça pas mal cocasse.

La natation a passé vite, mais juste comme j’allais finir, à environ 200m de la fin je dirais, j’ai droit à la visite d’un espèce d’abruti qui lui, se prend pour un bulldozer et « fonce dans l’tas ». Il nage comme un robot programmé, peu importe s’il y a quelqu’un devant lui ou non. L’ennui c’est que c’est moi qui est à côté et qu’il ne nage pas tout à fait assez vite pour me dépasser. Après 4-5 coups de sa part, je me tanne de son attitude agressive et lui lance un gros TABARNAK- ÇA VA FAIRE!! Il ne bronche pas alors je le pousse vers la gauche de toutes mes forces avec mes mains et il se met à nager vers le milieu du lac. Quel con, je me dis. Puis un kayakiste lui fait signe qu’il est dans la mauvaise direction alors il revient… horreur, il revient encore sur moi et recommence ses attaques. Je suis hors de moi et je me mets carrément sur le côté pour le kicker et je « varge » dessus comme une défoncée. Ça défoule, mais je me prends une belle crampe au mollet à force de le kicker. Bravo! Je suis bien avancée…. Je me tourne sur le dos, le temps d’étirer ma jambe. Un kayakiste me voit en s’en vient, mais tout est ok, je recommence à nager en n’utilisant plus mes jambes parce que je sens que le mollet est sur le bord de cramper à nouveau. De toute façon j’ai presque fini et l’imbécile a disparu.

Je sors de l’eau, la foule est en délire, c’est incroyable. Gros boost d’adrénaline encore. Je cours vers la zone de transition, ramasse mon sac avec tout ce dont j’aurai besoin pour le vélo. J’entre dans la « tente des filles », m’installe sur une chaise et vide mon sac. La première chose sur laquelle je tombe est le tube de chamois butter (pour les néophytes : il s’agit d’un genre de crème/vaseline que l’on s’applique pour éviter les désagréments du frottement aux fessounes… n’est-ce pas Dan?!), je m’en prend un gros sploutch (suffisamment pour 180km), me plonge la main dans le cuissard et me tartine allègrement. Au même instant, une bénévole arrive pour me demander si j’ai besoin de son aide… je lui réponds que « non, non ça va aller », puis on part à rire quand elle se rend compte du timing de sa question. Ensuite une autre bénévole s’amène et me badigeonne de crème solaire pendant que j’attache mes souliers. Elle me montre toutes les choses qui sont près de moi en me demandant si j’aurai besoin de ceci ou cela. Heureusement qu’elle est là, j’allais partir sans mes lunettes. Elle récupère tous mes trucs et ira reporter mon sac à sa place sur le rack-à-sac. Je la remercie chaleureusement, elle me souhaite bonne chance, les échanges sont sincères et intense, le regard est franc et droit dans les yeux. C’est vraiment particulier la relation avec les bénévoles tout au long de la journée. Ils sont tellement précieux, et sont vraiment « LÀ » pour nous.

Ensuite il ne me reste qu’à passer à la toilette sèche puisque l’ironman a eu le joyeux timing de tomber sur la mauvaise semaine de mon mois…. Quelle erreur d’avoir mis mon chamois butter AVANT de mettre mon tampon! Je me suis battue avec ça un gros 2-3 minutes (dans un espace si restreint et malodorant de surcroit) avant de réussir à l’installer… il ne faisait que me glisser des doigts. Joie. Moi qui suis si patiente pour ce genre de chose…. Pfff!! 11minutes qu’elle m’a prise ma transition… c’est long hein?! Voilà pourquoi.

Vient ma partie préférée…. Une belle balade de 180km en bécyk! Je fais attention de ne pas trop m’emballer, ce serait trop facile de pousser à un beat qui me fait plaisir mais je dois me garder des cartouches pour le marathon qui suivra. La constance est le mot clé de cette journée. Constance dans le rythme - constance dans l’énergie. Ce qui veut dire que je dois manger et m’hydrater régulièrement. J’en suis consciente, je ne m’en sortirai pas si je ne fais pas attention. L’hydratation ça va, mais manger est souvent une lacune en entraînement. J’oublie carrément de me nourrir. Et souvent je préfère manger de la vraie nourriture en revenant à la maison. Cette fois-ci, j’ai bien géré ma bouffe. J’avais retrouvé un ancien plan de nutrition où j’ai vu qu’il fallait que j’ingère idéalement 130g de sucre (hydrate de carbone) à l’heure. Ce qui équivaut à 2 Clifs Bars ou 4 gels. C’est quand même beaucoup… J’avais donc choisi 1 barre + 1 gel à l’heure. J’avais tout sur moi et/ou sur mon vélo. J’ai aussi pris 2 Boosts (substitut de repas).

En vélo, on avait des stations de ravitaillement à tous les 15km. Les bénévoles se tiennent sur le bord de la route et nous tendent de l’eau, des boissons énergétiques, des gels et des bananes. Ils sont une bonne vingtaine alors on n’a qu’à ralentir et ramasser ce qu’on veut. Il y a aussi des espaces avant et après les tables de ravitaillement pour lancer nos déchets. Ils avaient même confectionné des cibles, pour le fun, où on pouvait lancer nos bouteilles! J’ai vu un cycliste juste devant moi réussir à viser en plein dans le mille! Tout le monde l’a applaudi!

J’ai vraiment eu du fun en vélo, je me suis répétée je ne sais combien de fois : «mais c’est donc ben cool »… ou… « C’T’ÉCOEURANT!! - C’T’ÉCOEURANT!! - C’T’ÉCOEURANT!! », etc. Je me souviens aussi que je regardais de temps à autres mon odomètre, et quand j’ai vu 130km, je me suis fait la réflexion : « tiens… si j’étais partie de chez moi tantôt, là j’arriverais chez ma mère à Sherbrooke… hé ben…. ». Il y a eu pas mal de monde qui m’ont fait rire aussi. Le parcours se divise en 3 sections : un qui descend, un en faux plats et un qui monte. Durant le premier tour, sur la section de faux plats (ma préférée), on était à peu près toujours les 6-7 mêmes athlètes à se dépasser chacun notre tour sur environ 20km. À un certain moment ça devient presque réconfortant de reconnaître les mêmes personnes et il s’installe une forme de complicité. J’étais la seule fille du groupe et après avoir été un p’tit bout à l’avant, je me suis tassée vers la droite (pour bloquer personne qui aurait souhaité me dépasser), quand j’ai vu que l’accotement devenait plus large. Un des gars m’a dit : « hey! What the hell, you’re supposed to be our front girl ». J’ai bien ri.

Plus tard, après avoir passé une station de ravitaillement vers l’heure du midi, un cycliste me lance : « Hey! Isabelle (nos prénoms sont inscrits sur nos dossards), it’s not fair, it’s lunch time and they only giving us gels and bananas... i’m hungry, i want hamburgers!” . AHAHAH!

Un autre beau moment de ma journée fut vers la fin de la première boucle de vélo, quand mon ami Jocelyn est apparu à côté de moi. J’étais contente de le voir, on a échangé un peu sur notre expérience jusqu’à date, puis on s’est dit que ce serait pas mal cool de rentrer au village ensemble puisque nos cheerleaders étaient ensemble en plus. Quand on est arrivé dans la dernière côte, la fameuse « Papa Bear », je me suis sentie comme au tour de France, il y avait plein de monde pour nous encourager de chaque côté de la route. Et ainsi de suite sur environ 2 km. C’était vraiment exaltant. On balayait la foule du regard pour chercher notre gang, mais tout passe vite… quand on les a finalement croisés, ils se sont mis à sauter et à crier, on ne pouvait pas les manquer. C’était comme un bout de texte passé au marqueur sur une grande page remplie de mots. WOUUU-HOUUUU!! J’étais complètement « hyper » et j’arrêtais pu de jaser… Jo devait me trouver fatigante. En sortant du village on s’est souhaité une bonne fin de journée et on a repris chacun notre beat.

Durant le 2e tour, j’ai reconnu une fille que j’avais croisée souvent depuis le début. On se dépassait à tour de rôle. Ça arrive souvent en compétition et en général il se crée une complicité. C’est juste drôle. Elle était au milieu de la route et moi un peu plus à droite, alors quand je suis arrivée à sa hauteur je lui ai fait un sourire… elle me regarde et sur un p’tit ton pincé, me dit : « you’re not supposed to pass me on my right ». QUOI?!! J’en revenais pas! Je suis restée tellement l’air bête… je regarde son dossard et vois que nos numéros sont près, ce qui veut dire qu’on est dans la même catégorie. AH! Voilà son problème, je suis sa rivale! Je vois ensuite son prénom : Diva! Là je comprends tout. Alors je la dépasse par la gauche cette fois et elle me lance un : « ahhh now you’re doing right ». Je suis capable de faire preuve d’un bon esprit sportif en temps normal, mais certaines attitudes me piquent à vif et je m’emporte assez facilement dans ces cas-là. Je n’ai pas pu me retenir de lui envoyer un « Hey, tu te prends pour qui princesse? » Elle me dépasse ensuite dans la descente, mais je la repasse plus loin sur le plat, et en me voyant elle me lance un « damn », je ne me souviens pas de tout ce que je lui ai dit mais je ne me suis pas gênée dans mes insultes…. (il me semble que "grosse torche" faisait partie du vocabulaire...). J’ai pas osé le faire en anglais, elle était quand même plus grosse que moi, j’avais peur qu’elle décide de m’enfarger. Après ça j’ai décidé de crinquer un peu le niveau, question de me débarrasser d’elle pour de bon. Je ne voulais plus avoir son énergie négative dans les pattes. Les cartouches dépensées là en vaudraient la peine. Ça a fonctionné. Je ne l’ai plus revue.

Le reste du vélo s’est bien passé. Juste au moment de finir, comme on prenait le dernier virage, un gars qui roule à côté de moi lance tout haut : « Ohhhhhh m yass will be SOOO happy! ». autre éclat de rire.

Course à pied : j’avais les jambes relativement fraîches en débutant. Bonne chose. C’est quand même mon baptême du marathon. Je dirais que jusqu’au premier 21km de course, je me disais : « ben voyons… y’a rien là faire un ironman ». La fatigue s’est installée à partir du milieu du marathon. Faut dire que toute la journée on est porté par l’adrénaline de vivre quelque chose d’aussi grandiose. Sans avoir eu d’enfant, je serais quand même portée à comparer ça avec un accouchement. Selon ce que j’en ai entendu… Tu sais que ça va être long et que ça va faire mal, mais en même temps c’est un événement tellement heureux que ça te fait passer au travers plus aisément.

Sur le parcours de course, il y avait des stations de ravitaillement à chaque mille. Ma stratégie : boire 2 verres (1 d’eau + 1 de coke ou de gatorade) à chaque station et prendre un gel à toutes les demi-heures. La météo était parfaite… 22°C, nuageux avec quelques éclaircies. Pas de gros soleil plombant. Très confortable. Avec la fatigue qui s’accumulait je me suis mise à spasmer aux jambes. Dans les quads, mais aussi dans les muscles latéraux au-dessus des chevilles, ce qui fait que les pieds me partaient sur le côté dès qu’ils ne touchaient plus le sol. Je trouvais ça drôle – pcq pas douloureux, mais j’espérais juste que ça ne me fasse pas verser le pied en le déposant au sol. Pas le temps de se faire une entorse.

Vers 17h, ils ont sorti le bouillon de poulet. En général ce n’est pas une bonne idée d’essayer quelque chose de nouveau durant une compétition, mais mon instinct me disait que ça me ferait du bien. Effectivement! Quel réconfort. J’avais un peu froid aussi faut dire… soleil absent et venteux… quand on est mouillé de sueur et fatigué, on arrive plus à se réchauffer. Bref, le sel du bouillon me changeait du goût du sucre que j’avais ingurgité depuis le début de la journée, et aussi ramenait l’équilibre des minéraux je pense puisque les spasmes ont cessé à partir de là. J’alternais donc à chaque ravitaillement… une fois un gel, l’autre fois un bouillon. Les spasmes sont disparus, mais ils ont laissé la place à une sensation d’avoir des 2x4 au lieu des jambes… ou du moins quelque chose de dur qui plie pu. Je ne pouvais plus vraiment me propulser alors je me concentrais sur ma position : rester droite et ne pas m’écraser puisque plus on est lourd, pire c’est. Et aussi à faire tourner mes jambes avec la meilleure cadence possible. C’est le seul contrôle que j’avais. Pour le reste, fallait que je sois patiente et je finirais bien par arriver au bout de mon trottinage. Je suis très contente de mon marathon puisque j’ai réussi à résister à l’envie de marcher. J’ai marché à tous les points de ravitaillement pour bien boire tout le contenu de mon verre sans que tout revole dans tous les sens (boire en courant, c’est tout un défi!), mais c’est tout. Je n’allais pas très vite, mais c’était déjà plus vite que la marche. Aussi… j’ai gardé le sourire jusqu’à la fin. Parce que malgré tout, j’avais encore du fun.

Au milieu du marathon quand je suis passé au village et que j’ai vu ma gang me faire la petite chorégraphie que je leur avais demandée le matin, j’ai tellement ri! C’était trop cute! Ils ont été génial. Ça m’a redonné un autre gros boost. Et un peu plus loin, il y avait aussi une autre gang composée de mon amie Sylvie accompagnée d’athlètes du club de triathlon St-Lambert, et juste en face, de l’autre côté de la rue, il y avait le club de triathlon les Chickens. Ce qui fait que dès qu’un québécois passait et que l’un des 2 groupes les connaissait, ils se mettaient à scander son nom à l’unisson…. Ils devaient bien être une quinzaine au total…WOW! Quel enthousiasme contagieux. Du pur bonheur.

La fin… la fin du parcours est une longue et pénible montée d’environ 2 km… très abrupte au début puis en faux plat ensuite, jusqu’à ce qu’on arrive au turn around au bout du lac. À partir de là je savais qu’il ne restait que 10 minutes… j’étais à bout, mais j’avais qu’à me laisser descendre tranquillement. J’avais des serrements à l’œsophage (l’émotion), mais j’étais aussi étourdie… il était temps que ça finisse. Plus j’approchais de l’anneau olympique, plus j’entendais la foule, la musique et l’ambiance électrique, et plus le sourire revenait… quel beau moment quand on entre sur l’anneau…. On court un demi-tour et puis ça y est, on a l’arche devant soi…. Le 5 secondes que j’ai vécu si souvent en entraînement et qui me faisait pleurer…. Il était là, j’étais enfin dedans. Ça a passé trop vite, je flottais, plus rien n’existait. Moi qui avais si hâte d’entendre le mythique « Isabelle Turcotte… YOU ARE AN IRONMAN »… j’ai rien entendu.

Une fois sous l’arche, je me suis embrassé la main que j’ai ensuite levée au ciel. C’était mon hommage aux athlètes décédées sur la 112 ce printemps. Ça m’a tellement jetée à terre cet accident-là, elles s’entraînaient justement pour cet événement. Je leur avais dédié mon ironman. J’ai en même temps salué mes petits anges gardiens qui veillent sur moi et à qui j’ai un peu jasé durant la journée…. Mon grand-père, Juliette et mamie-lou mes chatounettes disparues, Richard….

Aussitôt l’arche franchi, un bénévole m’a « ramassé » et m’a serré très fort contre lui en me demandant comment je me sentais. J’avais un sourire si large qu’il devait certainement dépasser les limites de mon visage… il m’a félicité puis m’a tranquillement amené vers la personne qui me remettait ma médaille. Il était tellement chaleureux et réconfortant. WOW! (encore!)… j’ai pas arrêté de le remercier. On est allé chercher mon t-shirt et ma casquette de finisher. Il m’a redemandé comment je me sentais, et si j’avais des gens qui m’attendaient, si je voulais qu’il m’accompagne jusqu’à eux, etc. Tout allait très bien alors il m’a laissé partir. J’ai vu mon chum au loin et me suis mise à marcher vers lui. Je pensais que j’aurais pleuré, mais j’étais tellement contente que cette émotion-là prenait toute la place. Il y a même un bénévole qui m’a dit : « you’re not finishing an ironman, it’s impossible, you don’t look enough tired ». Énième éclat de rire de la journée.

J’ai embrassé mon chum, mon père et Francine, sa blonde, et je me suis mise à jaser… jaser… jaser… jaser… sans arrêt et toute la soirée jusqu’à minuit, parce qu’on est resté jusqu’à la fin pour accueillir tous les athlètes qui terminent leur ironman, comme c’est la tradition.

J’ai des millions de remerciement à faire à plein de monde, mais j’aimerais souligner à quel point mon chum a été extraordinaire dans son support tout au long de cette aventure…. Avant pendant et après. Qui aurait cru qu’un urbaniste pouvait aussi posséder autant de talents de psychologue, de massothérapeute et d’infirmier…. Une vraie petite maman pour moi. Et à part ma propre mère justement, y’a pas grand monde qui a déjà pris – et que j’ai laissé prendre - autant soin de moi. Merci Benito!

Je souhaite à tout le monde de pouvoir vivre une expérience aussi riche, un jour. Désirer quelque chose aussi fort et se donner les moyens d’aller le chercher….s’offrir cette si grande satisfaction, c’est difficile à battre. Et c’est beaucoup plus accessible qu’on pourrait le croire.

Pour visualiser l'album photo: https://picasaweb.google.com/pitlipitli/IronmanLakePlacid2010#

1 commentaire:

Patrick Provencher a dit...

Merci pour le résumé Isabelle, très intéressant à lire!

J'étais curieux de voir comment ça avait été, ton résumé fait admirablement bien la job!

Félicitation Ironwoman!